Je poursuis ce mois-ci le recueil des billets traitant de près ou de loin à l’escrime, publiés sur ce blog depuis 2017. La première partie de cette compilation est disponible ici.
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Depuis le début de blog, fin 2016, j’ai publié un certain nombre de billets traitant de l’escrime sous un angle psy. Ces billets ont permis il y a quelques années à mon blog de gagner en visibilité, en particulier grâce au maître Michel Sicard, qui les avait répercutés à plusieurs reprises sur sa page Facebook à l’époque.
Avant d’avoir le temps de poursuivre ce travail en rassemblant ces articles et d’autres non publiés dans un futur livre, voici la première partie d’une compilation de ces billets, publiés en 2017-2018.
Merci à Gilles Martinage pour nous avoir autorisé à utiliser les images de Romain Cannone aux JO de Tokyo, images dont il est le talentueux auteur.
Romain Cannone, jouer, gagner
Dimanche 25 juillet 2021, Romain Cannone devient champion olympique à l’épée aux Jeux de Tokyo. Devant ma télé, j’observe ce garçon durant sa finale : calme, posé, y compris à la pause alors qu’il est à une touche du titre olympique, le sacre des sacres, le Graal pour un sportif amateur. Je suis médusé de n’apercevoir aucun signe d’anxiété, d’excitation, tandis qu’à l’autre bout de la piste, son adversaire se décompose, conscient que remonter un tel écart de score à l’épée tient de la science-fiction.
Le confinement m’a permis d’achever un projet de longue date, un livre que j’avais écrit lorsque j’étais jeune maître d’armes en 2003-2004, que j’ai pu reprendre avec mon regard de psy en 2020.
Il y a 10 ans, je démarrais mon activité de consultant en coaching professionnel. Maître d’armes et coach me semblaient alors deux postures inconciliables et j’avais imaginé un triptyque d’articles ayant pour but de les faire dialoguer pour y voir plus clair. Ces articles, parus à l’époque sur le site de Médiat Coaching – mon école aujourd’hui disparue –, ne sont plus en ligne aujourd’hui. Une rapide remise à jour me permet de vous faire partager cette réflexion d’époque, dans laquelle ceux qui me lisent régulièrement trouveront sans mal les prémisses des articles qui émaillent ce blog.
Une nouvelle fois, je vais m’attarder sur la discipline que je pratique depuis plus de trente ans et enseigne depuis vingt ans : l’escrime. Au-delà, il s’agit d’une réflexion sur les sports d’opposition et de compétition, encensés par certains, décriés ailleurs, notamment parce qu’ils formeraient à écraser l’autre. Je pense pour ma part qu’ils contribuent à apprendre à s’appuyer sur lui.
En escrime comme dans la plupart des disciplines individuelles, le cours particulier dispensé par le maître d’armes demeure un point d’orgue dans le dispositif d’enseignement. On y travaille des gestes techniques, on y optimise des actions, dans un face à face à la proximité telle que maître et élève semblent parfois exister hors du temps…
Je déjeune il y a quelques jours avec une psy. Nous ne nous connaissons pas encore, tout juste sait-elle que je pratique la psychothérapie moi-même et que je suis maître d’armes. Mais d’emblée, elle plante son regard dans le mien et me dit : « franchement, je me demande bien ce qui peut donner envie de faire de l’escrime, en as-tu une idée ? »
Un jour ou l’autre, il fallait bien que je me confronte aux gros mots de la psy. Ne pas parler du transfert alors qu’on écrit sur le point de vue de l’entraîneur, et qu’on est psy par-dessus le marché, c’est un peu comme de faire de l’escrime avec des sabres en mousse ; à un moment ou un autre ça a ses limites.
Atlas, le monde sur ses épaules
Dans la mythologie grecque, Atlas est condamné par Zeus à porter la voûte céleste à bout de bras, mais il est souvent représenté portant le monde sur son dos. L’atlas, c’est également la première vertèbre cervicale, celle qui soutient la tête, notre monde interne, personnel. Parfois ce dernier pèse lourd, lui aussi.
Ceux qui lisent régulièrement les médias de développement personnel, de coaching et de psychothérapie le savent : être ancré, s’enraciner, c’est à la mode.
Il se trouve que dans les sports de combat également, être ancré c’est fondamental. Chaque escrimeur s’est un jour entendu répéter la sempiternelle consigne : « Fléchis sur tes jambes ! » (variantes possibles : écarte les genoux, descends sur tes appuis, etc.)
Mais pourquoi faire ?
L’escrimeur en compétition est parfois victime de ce que les magazines et le vocabulaire spécialisé intitulent la compulsion d’échec, ou encore le sabotage inconscient. Dans le précédent article, nous avons commencé à recenser les meilleurs scénarios de sabotages en compétition. Poursuivons notre palmarès et cette fois pas de jaloux, il y en aura pour tout le monde, tireurs, arbitres et entraîneurs :).
Je discutais sur le bord d’une piste avec Christian Kervroëdan, qui se trouve avoir été l’un de mes formateurs à l’école des maîtres d’armes, et le premier sans doute à m’avoir fait comprendre qu’il y a plus que de l’escrime dans l’enseignement de l’escrime. En parlant de tout et de rien, nous en étions rendus à évoquer la capacité de certains tireurs à appuyer, délibérément ou non, sur la touche « autodestruction » durant l’assaut.
En tant qu’escrimeur et psy, il fallait bien un jour que j’écrive un billet sur le salut. Le sujet est difficile à éviter.
Si j’ai repoussé l’échéance jusqu’à aujourd’hui, c’est parce que ma relation avec cet essentiel des sports de combat n’a pas été simple. C’est une difficulté qui se trouve en lien avec les symboles : il faut pouvoir s’accorder le temps et l’envie d’y donner un sens pour soi-même.
L’un des intérêts de la pratique d’une activité sportive compétitive, qu’elle soit individuelle comme l’escrime, le tennis ou la course, ou bien collective comme le football ou le basket, c’est la possibilité de se mesurer aux autres ; même si, comme je l’évoquais dans un précédent article sur l’apprentissage de la défaite par la compétition, une conception des relations basée sur un étalonnage permanent est inadaptée, tout comme l’est celle qui consiste à nier la rivalité et les rapports de pouvoir. Se mesurer, se comparer, se différencier, sont des activités fertiles dans la construction du narcissisme ; il y a là un mouvement qui vise à intégrer la reconnaissance de l’autre en coexistence avec le maintien de soi.